- CROÛTES (SOLS À)
- CROÛTES (SOLS À)Dans les régions arides et semi-arides, les sols présentent fréquemment, à faible profondeur, un horizon riche en calcaire, souvent durci et feuilleté: c’est la croûte calcaire , dont l’épaisseur peut varier de quelques centimètres à plusieurs mètres. Dans les pays très arides, des sols à croûtes gypseuses , de faciès voisins des précédents, peuvent aussi couvrir de grandes surfaces.Les croûtes calcaires, prises dans un sens très large, font l’objet depuis longtemps d’observations et d’interprétations nombreuses. Cependant, dans les zones arides (régions méditerranéennes et sahariennes, Australie, sud et ouest des États-Unis, etc.) où le calcaire est souvent un élément dominant du paysage, des formations de morphologie et d’origine très variées ont été regroupées sous cette dénomination: dépôts lacustres ou palustres, travertins, formations pédologiques. Il en résulte une certaine confusion que les recherches sur le Quaternaire, menées à la fois par des géomorphologues, des géologues et des pédologues, essaient de débrouiller.On admet aujourd’hui que nombre de ces formations calcaires se sont développées à l’intérieur de sols auxquels on réserve alors la dénomination de sols à croûte. Ces formations existent également en milieux tempérés et tropicaux; elles y sont cependant beaucoup plus rares.Morphologie des croûtesD’après la terminologie de A. Ruellan (1970), les principaux faciès suivants peuvent être distingués:– Les encroûtements , dont la teneur en calcaire dépasse 60 p. 100. De couleur claire, assez peu durcis, ils présentent des structures variées: massives, polyédriques, nodulaires, parfois finement feuilletées (passage à la croûte stricto sensu ).– Les croûtes stricto sensu (croûtes s . s .), plus calcaires et plus durcies que les encroûtements. Leur structure est feuilletée: il s’agit de la superposition de feuillets, de quelques centimètres d’épaisseur, mais de plus en plus fins du sommet vers la base. Ces feuillets ne sont pas continus mais séparés par des fentes subhorizontales s’anastomosant entre elles. La croûte s . s . est généralement de couleur blanc crème, mais quand elle est très durcie, elle tend vers le rose, marquant ainsi le passage vers la dalle compacte.– Les dalles compactes , contenant plus de 90 p. 100 de calcaire. Elles sont constituées par un ou plusieurs feuillets de calcaire, très durs, de couleur grise ou saumon, à structure massive. Chaque feuillet peut atteindre de 10 à 20 cm d’épaisseur.– Les pellicules rubanées qui viennent coiffer le sommet des croûtes. Il s’agit là de formations stratifiées, constituées par la superposition de lamelles très fines. Elles sont très calcaires et très dures et leur épaisseur varie de quelques millimètres à quelques centimètres. Elles sont souvent blanches ou saumon, mais présentent toujours plusieurs filets plus ou moins sombres.Position des croûtes dans les solsSous des horizons A ou A + B, de quelques dizaines de centimètres d’épaisseur, les croûtes pédologiques constituent les horizons Bca ou Cca de sols très variés: sols bruns calcaires, sols isohumiques, sols rouges et bruns méditerranéens, sols hydromorphes, vertisols.Quand, sur un glacis ou une terrasse par exemple, on passe latéralement d’une zone où cette accumulation de calcaire est faible vers une zone où elle devient de plus en plus puissante, l’apparition des principaux faciès est progressive et l’ensemble constitue une chaîne de sols à laquelle on peut donner une interprétation dynamique.Une des chaînes les plus fréquentes est la suivante:1. Les sols les moins évolués présentent un horizon d’accumulation assez faible, dans lequel le calcaire est individualisé sous formes d’amas friables ou de nodules.2. Latéralement, le sommet de cet horizon s’enrichit de plus en plus en calcaire; l’encroûtement apparaît avec une limite supérieure de plus en plus tranchée; la limite inférieure reste diffuse.3. Puis, toujours progressivement, par feuilletage et durcissement, le sommet de l’encroûtement se transforme en croûte s . s .4. Enfin, le sommet de cette croûte peut durcir et se transformer en dalle: on a alors une croûte complète (dalle sur croûte sur encroûtement), dont l’épaisseur totale peut varier de 50 à 200 cm.Quant à la pellicule rubanée, elle vient recouvrir indifféremment encroûtement, croûte ou dalle.Verticalement et horizontalement, ces diverses formes d’accumulation du calcaire sont donc liées.GenèseLa question de la genèse des croûtes est encore âprement discutée et il est impossible de présenter ici toutes les hypothèses envisagées par de nombreux auteurs dans divers pays.Si on essaie cependant de restreindre l’appellation «croûte» à ce qui a été décrit ci-dessus, plusieurs auteurs admettent alors que les processus de formation sont essentiellement pédologiques. Il s’agirait de processus d’accumulation et d’individualisation du calcaire en profondeur, en particulier dans la zone où venait s’alimenter le système racinaire des steppes et des forêts qui ont dû constituer le couvert végétal naturel de ces sols. Cette accumulation provoque la dissolution des minéraux silicatés qui sont remplacés par la calcite: il y a épigénie (G. Millot, D. Nahon, H. Paquet & Y. Tardy, 1977).Le calcaire qui s’accumule peut provenir en partie du lessivage des horizons supérieurs; il semble cependant que l’essentiel est amené latéralement, par «lessivage oblique» de tout le bassin versant situé en amont, à l’aide de toutes les eaux qui circulent sur et dans les sols. C’est en particulier ce que suggère la répartition des divers types de croûte en fonction du relief.Ces processus sont très lents: les croûtes les plus récentes ont environ 20 000 ans et il faut remonter aux surfaces villafranchiennes pour trouver des croûtes très puissantes avec dalles compactes. Beaucoup de sols à croûte sont d’ailleurs des paléosols, tels ceux qui couvrent de grandes surfaces dans les régions sahariennes, et on peut dire que la morphologie et la vitesse de formation des croûtes varient selon les zones climatiques actuelles et passées. Cependant, certaines croûtes qui se forment par évaporation d’une nappe phréatique peu profonde peuvent se développer rapidement; c’est un cas assez rare.Mise en valeurLes croûtes calcaires, limitant l’épaisseur utilisable des sols, constituent toujours un obstacle à la mise en valeur, en particulier dans les zones irriguées où il est souhaitable de pouvoir disposer de sols suffisamment profonds.Depuis longtemps, on essaie de réduire ces obstacles. On ne peut jamais éliminer la croûte, mais on peut tenter de la briser pour faciliter la pénétration de l’eau et des racines. On utilise, pour effectuer ce travail, des sous-soleuses puissantes ou des explosifs. Les résultats sont cependant souvent décevants: les prix de revient sont élevés et de plus la destruction de la croûte est généralement très insuffisante.Les croûtes gypseusesDans les régions très arides, les croûtes gypseuses viennent souvent accompagner ou remplacer les croûtes calcaires. Elles sont le résultat soit de l’évaporation à partir d’une nappe phréatique ou d’une roche gypseuse, soit d’un apport éolien (le gypse, accumulé dans de grands lacs qui s’assèchent périodiquement, est repris par le vent qui peut l’entraîner et le redéposer très loin). Contrairement aux croûtes calcaires, la formation de ces croûtes gypseuses est souvent très rapide.
Encyclopédie Universelle. 2012.